Donner et hériter dans un contexte international

Le guide fiscal
du citoyen du monde

Mariages internationaux, enfants qui étudient à l’étranger et qui choisissent d’y construire leur avenir, seconde résidence en France ou en Italie… En quelques décennies, nos horizons se sont considérablement élargis. Si nos projets dépassent aujourd'hui les frontières, il n’en va pas de même pour le droit patrimonial et ses conséquences fiscales, qui demeurent de la compétence législative de chaque Etat.

Sans planning de succession digne de ce nom, le capital que vous avez constitué risque d’être pris dans un inextricable écheveau international. Et de vous valoir, notamment, en raison de l’application de plusieurs droits nationaux une double (voire multiple) imposition.

  • Gilles de Foy est avocat associé fondateur du cabinet Bazacle & Solon, spécialisé dans l’organisation du patrimoine et la planification des successions (aspects civils et fiscaux).

    Gilles de Foy est avocat associé fondateur du cabinet Bazacle & Solon, spécialisé dans l’organisation du patrimoine et la planification des successions (aspects civils et fiscaux).

    Maître en droit de l’Université catholique de Louvain (2009), diplômé en sciences fiscales de l’Ecole supérieure des sciences fiscales (ESSF/ICHEC) (2011), titulaire du DES international de droit fiscal européen (ESSF/ICHEC – Université de Bourgogne (France) (2015)).

    Gilles de Foy est inscrit au barreau de Bruxelles depuis 2012 et le conseil de l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles l’a autorisé à porter le titre de spécialiste en droit fiscal et droit patrimonial de la famille.

    Il est maître de conférences invité à l’UCLouvain (Louvain School of Management) où il enseigne le cours de droits d’enregistrement et de succession dans le master en sciences de gestion. Il enseigne également aux Ateliers de l’UCLouvain FUCaM dans le cadre du Certificat universitaire en planification patrimoniale le cours de fiscalité des successions et donations. Il est également professeur à l’EFP-Bxl en droit fiscal immobilier.

    Il est spécialisé dans l’organisation et l’optimalisation (inter)nationale du patrimoine dans ses aspects civils et fiscaux (impôt des personnes physiques, droits de succession, droits d’enregistrement…) et il assiste également ses clients dans les contentieux fiscaux et patrimoniaux qui lui sont confiés.

    Gilles de Foy publie régulièrement des contributions portant sur ses matières préférentielles. Il est collaborateur du Recueil Général de l’Enregistrement et du Notariat et est membre du comité de rédaction de la lettre d’information Droits d’enregistrement, de l’Annuaire Droits d’enregistrement ‘Werdefroy’, ainsi que de la lettre bimensuelle Info Droits de succession et de l’Annuaire Droits de succession ‘Mayeur’.

    Il donne par ailleurs régulièrement des conférences sur ces thèmes. En sa qualité d’expert en la matière, Deutsche Bank a invité Gilles de Foy à collaborer sur ce sujet.

Quels sont les aspects du droit successoral international qui s’appliquent à ma situation ? Lancez la simulation (en 3 clics seulement).

1. Le domicile fiscal du défunt est situé …

en Belgique
à l’étranger
1. défunt
2. héritier
3. actif successoral

Un exemple pratique

Benoît & Beatrice.

Benoît possède la nationalité française et est marié à Béatrice sous le régime de la séparation des biens. Ce couple a trois enfants. Dans son testament, Benoît a choisi de soumettre sa succession au droit civil français.

Benoît décède inopinément à Bruxelles, où il réside avec sa famille depuis plus de 10 ans. Sa succession se règle en Belgique, mais c’est le Code civil français – et non la loi belge – qui la régit.

Contrairement à la loi belge, qui attribue au conjoint survivant l’usufruit du patrimoine du défunt, le droit civil français offre à Béatrice la faculté de choisir entre soit l’usufruit de l’ensemble du patrimoine de Benoît, soit un quart de ce patrimoine en pleine propriété.

Sur le plan fiscal, c’est cependant le droit successoral de la Région de Bruxelles-Capitale qui détermine l’imposition de la succession, en tenant toutefois compte du choix civil posé par Benoît. Du fait de la régionalisation des droits de succession en Belgique, la législation qui s’applique est celle de la région dans laquelle le défunt a résidé le plus longtemps au cours des 5 années précédant le décès.

En lire plus

Payer 2 ×
des droits de succession ?

En Belgique ET à l’étranger ?

‘Deux pour le prix d’un’. Pour le consommateur, c’est une aubaine. En matière de succession, c’est moins avantageux.

Les droits de succession sont des impôts régionaux en Belgique mais, heureusement, il ne peut y avoir de double imposition dans un cadre purement belge, quand bien même votre situation présenterait des liens avec différentes régions du pays.

Dans un contexte international, il peut arriver que plusieurs pays appliquent simultanément leur propre législation fiscale à la succession. Cette situation peut déboucher sur une double imposition successorale, voire une triple taxation, etc.

Ici, il convient de faire une distinction entre les biens immobiliers et les biens mobiliers (comptes-titres et comptes d’épargne, assurances vie, véhicules, meubles…)

  • Domicile fiscal établi en Belgique

    Si votre domicile fiscal est établi en Belgique et que vous détenez un immeuble à l’étranger, vos héritiers devront en principe payer un impôt successoral en Belgique et à l’étranger. Les 3 régions belges ont une disposition unilatérale visant à prévenir la double imposition à l’étranger (applicable à tous les pays du monde) de sorte que l’impôt étranger sera « neutralisé » dans le cadre du calcul de l’impôt successoral en Belgique. Et avec la France, la Belgique a même conclu une convention préventive de la double imposition.

    Impôt sur les successions à l'étranger

    À l’étranger, vous avez payé des droits de succession sur des biens immobiliers ? Dans le respect de strictes conditions, ces droits peuvent être déduits des droits de succession à payer en Belgique sur ces mêmes biens immobiliers et ainsi « neutraliser » la charge fiscale globale. Attention : si les droits de succession payés à l’étranger sont supérieurs à l’impôt dû en Belgique, vous ne pourrez pas bénéficier d’un crédit d’impôt à due concurrence en Belgique.

  • Domicile fiscal établi en Belgique

    Si votre domicile fiscal est établi en Belgique, vos héritiers seront imposés en Belgique sur les biens mobiliers dont ils héritent, même si ces biens sont situés à l’étranger. Une double imposition est dès lors possible lorsqu’un pays décide d’imposer simultanément sur la base de cet élément de connexité.

    Impôt sur les successions à l'étranger

    Avant d’investir à l’étranger, il est donc recommandé de s’informer quant aux dispositions successorales applicables dans ce pays, et ce afin de limiter ou d’éviter la double imposition en matière mobilière. La double imposition ne sera évitée qu’avec la France en vertu de la Convention mais dans certains pays – comme le Luxembourg, la Suisse,… aucun droit ne sera prélevé à l’étranger sur les biens mobiliers situés sur leur territoire. Dans d’autres pays, comme l’Espagne ces biens font l’objet d’une taxation complète, ce qui génère une double imposition. On notera qu’une question préjudicielle est actuellement posée (dans un cadre belgo-espagnol) à la Cour constitutionnelle par la Cour d’appel d’Anvers afin de savoir s’il n’est pas discriminatoire que le droit fiscal interne belge permette d’éviter unilatéralement la double imposition internationale sur des biens immobiliers localisés à l’étranger et non sur des biens mobiliers. Affaire à suivre…

Une double imposition sur la base de la région ?

Plus d'infos

Vous possédez votre habitation principale en Wallonie où vous résidez depuis plus de cinq ans, et une seconde résidence à la côte (Flandre) ? Dans ce cas, ce sont les dispositions fiscales wallonnes qui s’appliqueront à votre décès sur l’ensemble de votre patrimoine. Au sein de la Belgique, une double imposition (wallonne et flamande), que ce soit en matière de succession ou de donation, ne peut avoir lieu, grâce à une loi spéciale de 1989.

Un exemple pratique

Juan

Juan vit à Liège depuis 10 ans, mais possède toujours un compte bancaire en Espagne, ainsi qu’un contrat d’assurance-vie. Si Juan venait à décéder, c’est la Région wallonne qui serait compétente en matière de droits de succession. Parallèlement et en vertu de la loi espagnole, l’Espagne serait aussi habilitée à imposer des droits de succession sur les biens mobiliers appartenant à Juan et situés sur le territoire espagnol, même si ses héritiers ne sont pas Espagnols et n’habitent pas l’Espagne. De ce fait, le compte en banque et l’assurance-vie de Juan seraient donc soumis à une double imposition internationale en cas de décès de leur titulaire, si Juan ne prend pas de mesure de programmation successorale.

Une donation peut-elle donner lieu à une double imposition ?

Comment planifierla succession de biens immobiliers à l’étranger ?

Sans doute avez-vous beaucoup travaillé, posé des choix réfléchis et pris des risques calculés. Ce travail et ces choix vous ont permis de constituer un appréciable patrimoine. Las, le fisc aimerait s’approprier une partie de ce gâteau. Que faire pour l’éviter ?

Technique n° 1Via une donation

Votre domicile fiscal est situé en Belgique ? Dans ce cas, vous pouvez envisager de faire don d’un bien immobilier à l’étranger.

  • • Après donation, le bien donné est ‘rayé’ de votre future succession .
  • • Cette donation n’engendre aucun effet progressif sur les droits de succession (pour autant que votre décès intervienne après la signature de l’acte de donation et sous réserve de la prise en compte de la progressivité de l’impôt sur des donations immobilières consenties entre mêmes parties dans les trois ans dans un cadre régional flamand).
  • • Les donations à l’étranger sont soumises exclusivement aux droits de donation du pays en question (voire de la juridiction : région, communauté, canton…)
  • • Vous ne payez pas de droits de donation en Belgique. Mais attention, l’immeuble donné doit être détenu en direct et il ne peut être question d’un immeuble « logé » en société à défaut de quoi, il s’agirait d’une donation… mobilière ayant son régime fiscal propre.
  • • En règle générale, les droits de donation sont plus avantageux que les droits de succession.

Technique n° 2Via vente et donation du produit de cette vente

Toujours en tant que résident fiscal belge, une autre méthode consiste à vendre le bien immobilier et à faire don de ce capital via une donation mobilière.

  • • Pour s’assurer que la donation de ce capital ne puisse être imposée à l’étranger, il faudra se renseigner sur place sur les facteurs de rattachement existant en matière de donation ou rapatrier les fonds en Belgique.
  • • D’un point de vue belge, vous pouvez opter :
  • ○ Soit pour une donation via un notaire belge, en acquittant entre 3% et 7% de droits de donation suivant la Région de résidence du donateur et le lien de parenté (mais sur laquelle aucun droit de succession ne pourra plus être prélevé ultérieurement).
  • ○ Soit pour une donation bancaire non enregistrée (sur laquelle le droit de donation n’aura pas été prélevé). Si vous décédez dans les 3 ans, le bénéficiaire de la donation devra payer des droits de succession. Passé ce délai de 3 ans, plus aucun droit de succession n’est dû.

Notez les règles anti-blanchiment

Plus d'infos

Lors d’un rapatriement ou d’une donation, veillez à vous conformer strictement aux règles anti-blanchiment. En cas de virement d’argent à l’étranger, l’institution financière qui reçoit la somme en Belgique, tout comme vos conseils éventuels (p.ex. avocat, notaire,…), est légalement tenue à vous poser des questions sur l’origine du capital utilisé en son temps pour acquérir le bien immobilier à l’étranger. Par ce biais, tant l’institution financière que les différentes parties impliquées peuvent s’assurer de la légalité de l’origine du capital, en évitant ainsi les problèmes fiscaux et pénaux.

Et si votre domicile fiscal n’est pas établi en Belgique ?

Les 3 règles d’ordu planning successoral international

1

Régler avant toute chose la question de la loi civile applicable à la succession. Il faut conserver une cohérence de traitement suivant un même droit civil entre les opérations réalisées de son vivant et celles qui s’ouvriront au jour du décès.

2

Privilégier de régler sa succession de son vivant procure deux avantages : cela règle le sort civil du patrimoine (et réduit donc les litiges familiaux) mais permet également de réduire considérablement la charge fiscale globale. Il faut toujours garder en tête que ce n’est qu’après avoir envisagé la question civile que viendra l’analyse fiscale et la recherche de la voie la moins imposée sans qu’elle soit constitutive d’une fraude ou d’un abus.

3

Se renseigner sur les éléments d’extranéité propres à sa situation et en connaître les conséquences juridiques afin de réduire, voire éviter, les frottements fiscaux internationaux. Un contribuable averti en vaut deux !

En savoir plus ?

Si vous avez des questions ou que vous souhaitez établir une planification successorale réfléchie, contactez votre conseiller, notaire et/ou le service “Estate Planning – Private Banking” de Deutsche Bank.

Cet article a été rédigé en juin 2020 et ne constitue pas un avis fiscal ou juridique. Le traitement fiscal dépend de la situation individuelle du client et est susceptible de changer à l'avenir.